ENTRETIEN – STEPHANIE PATRICIA EKAMBI

Le 22 avril 2025, à l’Enovation Factory de Yaoundé, le réseau Camerounaises In Tech a officiellement vu le jour. Pensé comme le chapitre local du mouvement Africaines In Tech, ce collectif entend structurer un vivier solide d’expertes du numérique au Cameroun. Sa présidente, Stéphanie Patricia Ekambi, partage ici, pour LeadHer Média, les enjeux de cette naissance officielle, ses priorités stratégiques, et sa vision d’un leadership tech résolument féminin.

1. Que représente ce lancement officiel pour vous, et pour l’écosystème tech camerounais ?

Ce moment est fondateur. Il marque notre volonté d’exister, pas simplement comme un club de plus, mais comme un acteur stratégique. Le soft launch a permis de rassembler autour de nous des acteurs clés : institutions internationales, ambassades, hubs d’innovation comme Enovation Factory, ou encore des entreprises tech comme Futa, qui a une femme cofondatrice et qui nous soutient activement.
Notre ambition était claire : présenter le chapitre Cameroun et dire à l’écosystème ce que nous comptons faire, pourquoi nous sommes là, et surtout, ce que chacun peut tirer de cette synergie. Aujourd’hui, Camerounaises In Tech compte déjà plus de 100 membres, avec une vraie force de réseau et de données. Ce lancement, c’est une manière de dire : “Voici comment nous voulons collaborer, pour construire ensemble.”

2. Quels sont, selon vous, les obstacles invisibles qui freinent encore les femmes dans les métiers du numérique au Cameroun ?

Le premier, c’est le manque de représentation. Quand on ne voit pas de femmes en action dans la tech, on a du mal à s’y projeter. Et ce n’est pas anodin : lors d’un récent appel à projets d’Enovation Factory, très peu de femmes ont postulé. Ce n’est pas un problème de compétence, mais de perception.
Le deuxième obstacle, c’est l’accès aux postes de leadership. En 2025, il est choquant de constater à quel point les conseils d’administration et les directions techniques restent déséquilibrés en termes de genre.
Enfin, il y a cette peur intériorisée, ce sentiment d’illégitimité que trop de femmes ressentent. On leur a appris à ne pas trop demander, à rester en retrait. Il faut déconstruire ça. Les femmes ont le droit d’aspirer à plus, elles ont le talent, elles ont la vision.

3. En quoi votre approche se distingue-t-elle des autres initiatives féminines déjà présentes dans le secteur ?

Nous ne venons pas réinventer la roue. Nous nous positionnons comme une force complémentaire. D’abord, nous faisons partie d’un réseau panafricain actif dans plusieurs pays francophones. Ensuite, notre priorité est de donner avant de demander : offrir un réseau d’expertes solides, vers lequel les entreprises, institutions et projets peuvent se tourner.
Nous voulons devenir un centre de référence. Notre ambition est d’être une passerelle entre les talents féminins et les opportunités concrètes. Et notre force réside aussi dans notre capacité à connecter : révéler celles qu’on ne connaît pas encore, et accompagner celles qui aspirent à entrer dans la tech.

4. Votre slogan est “Outiller. Connecter. Transformer.” Quelle est la priorité immédiate ?

La première étape, c’est connecter. C’est ce que nous faisons déjà : être présentes là où il faut, créer des ponts, faire parler les talents.
Nous avons participé aux Journées camerounaises de l’Intelligence Artificielle, formé des femmes scientifiques, établi des liens avec des entreprises. Nous travaillons à connecter les jeunes aspirantes aux femmes déjà établies, pour générer un effet d’entraînement et de sororité active.

5. Quel impact concret aimeriez-vous que le réseau ait eu dans trois ans ?

Je veux qu’on puisse citer des chiffres clairs. Par exemple : “Camerounaises In Tech a formé 1000 jeunes femmes”, “a accompagné 10 entreprises sur des projets RSE liés à l’inclusion numérique”, ou encore “a soutenu des femmes entrepreneures dans leur passage de l’idée à la levée de fonds.”
Je veux aussi qu’on nous retrouve sur des scènes comme VivaTech, qu’on voit nos membres représenter le Cameroun à l’international. Et que notre réseau soit reconnu par les institutions comme un vrai partenaire stratégique.

6. Si une jeune fille de 16 ans vous écoute aujourd’hui et rêve de travailler dans la tech, que lui dites-vous ?

Je lui dis : fonce. Tu n’as pas besoin de te justifier, tu n’as pas besoin d’attendre qu’on te donne la permission. Forme-toi, entoure-toi, et ose. Crois en toi, et surtout, choisis bien ton entourage. Parce qu’avec de l’ambition, du travail et le bon réseau : tout devient possible.

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